Bienfaiteurs

-Portraits de personnalités suisses bienfaiteurs de la SHB

 

Au cours de son histoire la SHB a eu le rare bonheur de compter en son sein toutes les personnalités marquantes de la colonie suisse. Ingénieurs, scientifiques, hommes d’affaires, diplomates, artistes, l’histoire de la SHB est intimement liée à celle de Suisses venus vivre en France qui se sont dévoués pour aider leurs compatriotes exilés comme eux. Mais comme le dit Albert Stapfer en 1828, on ne naît pas bienfaiteur :

« L’exercice de la bienfaisance est un art plus difficile qu’il ne paraît à première vue. Il semble que les mouvements d’un bon cœur et des ressources qui permettent d’obéir à ses impulsions soient les seules conditions nécessaires à la réalisation d’intentions charitables, tandis que le ministère d’une bienfaisance éclairée est une des sciences d’application, si on peut s’exprimer ainsi, qui demande le plus de maturité de jugement et les lumières de l’expérience…. »

 

ÉDOUARD BERTHOUD (mort en 1912)

Édouard Berthoud, membre de la SHB depuis 1878, fut élu trésorier en 1889 puis président de 1907 à 1912. Ce président remarquable fonda de nombreuses œuvres qu’il dirigea ou secourut. Il payait toujours de sa personne, aimant à faire le bien sans bruit, ce qui en doublait la valeur pour lui et les bénéficiaires de ses largesses. Aucun dévouement ou sacrifice n’était trop grand pour lui ; ses gestes de bonté et de générosité étaient innombrables.

Dans un rapport de l’Assemblée Générale, se plaignant des maigres ressources procurées par les cotisations des membres il écrivit :

« Au risque d’être ennuyeux, ne vous lassez pas de faire de la propagande, sollicitez, pressez, soyez indiscrets, soyez importuns, usez s’il le faut de violence… de violence morale, de cette douce et irrésistible pression qui seule peut vaincre l’apathie de notre grand adversaire. »

Lors de son décès, Monsieur Naville écrivit :

« Notre but est de faire du bien : inspirons-nous pour le faire des nobles exemples de ceux qui nous ont précédés et qui nous ont laissé des traditions à suivre. Faisons du bien à nos frères qui souffrent, avec discernement, patience et surtout avec une charité vraie ; qu’au milieu de ce grand Paris, où la misère est d’autant plus cruelle qu’elle côtoie l’opulence, notre colonie suisse se distingue toujours et soutienne sa réputation dans la pratique de la générosité. »

CHARLES COUVOISIER-BERHOUD (1876-1931)

Né en 1876, Charles Courvoisier Berthoud fut un des membres bien connus de la colonie suisse parisienne. Il fut trésorier de la Chambre de Commerce suisse en France où il œuvra pour le rapprochement économique des deux pays.

Mais c’est comme philanthrope qu’il a joué un rôle éminent durant la première guerre mondiale. Fondateur de l’Œuvre des Colonies étrangères en France, trésorier de la section suisse, il en fut l’un des membres les plus actifs. Il fit en sorte de faciliter pour les familles françaises indigentes ou très modestes les visites à leurs parents internés en Suisse. Il travailla aussi au rapatriement des prisonniers civils.

Le Ministre Alphonse Dunant évoque son souvenir : « Entré au conseil de la SHB en 1901, il fut Trésorier en 1910, Président de 1925 à 1930, puis membre d’honneur de la Société. Pendant cette longue période il travailla inlassablement pour donner à notre œuvre son maximum d’utilité, à lui gagner des sympathies et des concours. Sa générosité intervint chaque fois que la limite de nos moyens risquait d’arrêter notre élan. Il ne se contentait pas de nous procurer des ressources ou de nous recruter des membres par une propagande à la fois habile et tenace. Sa vraie personnalité ne prenait tout son relief qu’à la lumière du contact direct avec les pauvres. En face d’eux il était animé d’un esprit de compassion qui témoignait de l’ardeur de sa philanthropie. La notion très nette de ses devoirs de chrétien vis-à-vis de son prochain donnait à sa voix cette chaleur qui révélait son émotion intérieure. »

Le ministre Dunand rappelle son altruisme et son dévouement chrétien et finit en disant : « Cet homme de bien a donné un exemple de bonté et de charité que nous n’oublierons jamais ».

 

JACQUES DUBOCHET (1798-1868)

Julien-Jacques Dubochet est l’un des quatre fondateurs de la SHB. Il fut l’âme de la Société tout au long de sa vie et y resta fidèle jusqu’à sa mort le 4 septembre 1868, faisant preuve d’un grand dévouement. Né à Vevey en 1798, il était venu à Paris à l’âge de 19 ans pour y faire des études de droit. Dès 1830 il est journaliste et militant politique. Il fut aussi l’éditeur de Balzac et du Genevois Rodolphe Töpffer.

Il n’oublia jamais son pays d’origine et fut désigné en 1867 par le Gouvernement fédéral pour représenter la Suisse dans le Jury international du Xe groupe de l’Exposition Universelle, celui qui traitait de l’amélioration des conditions des travailleurs. Il rédigea le rapport de cette commission.

« Un Suisse expatrié, disait-il, quelles que soient les vicissitudes de la vie, quels que soient les engagements politiques que les circonstances le forcent à contracter, un Suisse garde au fond de son cœur la religion de la Mère Patrie et pour lui des Suisses sont toujours et partout des concitoyens et des frères ».

Ses diverses activités ne l’empêchèrent pas de s’investir dans l’œuvre de charité qui fut la sienne toute sa vie, occupant des fonctions de Président de la Commission consultative de la SHB et de Président et Fondateur de l’Asile Suisse des Vieillards. Il fut aussi président du Comité des Dames qu’il créa en 1835.

On fit de lui ce portrait à sa mort : « Un homme franc, loyal, aimable, d’un jugement droit, plein d’expérience et de savoir, habile à bien dire et à persuader, plus habile encore à concilier les hommes et les choses, à prévenir les difficultés et à les aplanir. Prompt à se donner, toujours prêt à tout, et qui, ayant assez de loisir pour faire de notre œuvre son œuvre, en est devenu l’âme. »

À sa mort il légua 12 000 francs à la SHB et 12 000 francs à l’Asile, somme importante pour l’époque et la plus large libéralité personnelle dont ces sociétés ont été l’objet depuis leur origine.

ALPHONSE DUNAND (-1942)

C’est le Président Herold qui parle du Ministre Alphonse Dunand lors de son départ de Paris en 1938 :


« Pendant les 20 ans de présence à Paris, Alphonse Dunand a voué ses forces et son temps à la Colonie Suisse. Arrivé à Paris pendant la guerre il avait discerné le désir de ses compatriotes de resserrer les rangs et s’y est employé en tant que ministre, au cours des années passées à la tête de notre colonie. En réunissant les présidents des vingt-deux sociétés suisses de Paris en un comité qu’il présidait, il établit un contact permanent entre elles et la Légation.

La SHB a eu le privilège de bénéficier d’une sollicitude toute particulière et d’un intérêt pour ses activités. M. Dunand était présent aux séances de la Société chaque fois qu’il le pouvait afin de connaître ses besoins et ceux des assistés. C’était pour la SHB un avocat auprès des Autorités fédérales qui plaidait sa cause avec chaleur et succès. Il s’efforçait de montrer le chemin de la concorde et de soutenir les malheureux.

Ayant constaté que les Assemblées Générales n’attiraient que peu de monde, il eut l’idée d’inviter la SHB à les tenir à la Légation, ce qui valut à ces manifestations une affluence accrue et un cachet tout particulier.

Le Président Herold termine par ces mots :
« La belle physionomie de notre ancien Président d’Honneur toute imprégnée de bienveillance, restera inoubliable à ceux qui l’ont connu. »

 

 

PHILIPPE-ALBERT STAPFER

Philippe-Albert Stapfer fut membre de la SHB dès ses origines et jusqu’à son décès en 1840. Il en fut le président de 1826 à 1832
Sa vie fut consacrée à la fois à l’église et à la politique suisse. Né en 1766 il meurt en 1840 et c’est lors de l’Assemblée générale de cette année-là que M. Jacquet fait son éloge.

Ph.A.Stapfer fut consacré Ministre de l’Église Réformée en 1789, puis nommé professeur d’humanité, de philosophie et de théologie dans l’académie de Berne. En 1798 il fut l’un des délégués envoyés par Berne auprès du directoire français tandis qu’il exerçait la charge de Ministre de l’instruction publique en Suisse. Lorsque Bonaparte se fut emparé du pouvoir il accrédita Ph.A. Stapfer auprès de lui comme Ministre plénipotentiaire de la République Helvétique. En 1803 il fit partie des dix membres qui signèrent l’acte de médiation qui a régi la Suisse pendant 11 ans et enfin il présida la commission de liquidation qui devait régler le budget du gouvernement helvétique.
Il quitta alors la fonction publique pour se consacrer à de nombreuses associations parmi lesquelles la SHB.

En 1828 il prononça cette phrase mémorable :

«  L’idéal de notre institution doit être, pour ainsi dire, de se rendre de jour en jour moins nécessaire et de chercher par tous les moyens possibles à ranimer le courage, à retremper l’âme du malheureux, à lui faire découvrir les sources d’allègement qu’il peut trouver en lui-même pour qu’il puisse en tirer parti au moyen de leur exploitation énergique et bien réglée. »

 

ANTOINE JOSEPH IGNACE ALOYS KAEMPFEN 

Antoine Kaempfen fut membre du Conseil de la SHB dès 1831 et il fit preuve d’un grand dévouement auprès des Suisses soutenus par l’association.

Né à Brigue en 1782, il fit de brillantes études et obtint un diplôme de médecin-chirugien à Vienne. En 1807 il entra comme chirurgien-major dans le bataillon valaisan au service de la France et fit les premières campagnes d’Espagne. Lors de la réunion du Valais à l’Empire de France, en 1810, ce bataillon fut incorporé dans le 11e régiment d’infanterie légère avec lequel A. Kaempfen fit la campagne de Russie et prit part aux grandes batailles qui précédèrent la chute de l’Empire. Il soigna ainsi de nombreux soldats avec énergie et dévouement. À la restauration il entra dans le 2e régiment Suisse. Licencié en 1830 il rentra dans la vie civile et se fixa à Paris pour y exercer la médecine. Toujours avec un grand dévouement il s’occupa de Suisses revenus dans un triste état des capitulations militaires et rejoignit la SHB en 1831. Il continua avec sollicitude et animé d’une douce charité de soulager ses compatriotes, s’occupant surtout des enfants orphelins. Sentant sa mort proche, il souhaita que tous ses effets aillent aux pauvres qu’il avait aidés et soulagés jusque dans ses derniers jours.

 

AUGUSTE PERDONNET (1801/1867)

Membre de la SHB depuis 1824, il y resta fidèle toute sa vie malgré les énormes charges et responsabilités qui pesaient sur lui.
A. Perdonnet est en effet un des fondateurs de l’École Centrale des Arts et Manufactures (1830); il en fut l’un des copropriétaires et le directeur de 1862 à 1867 lorsque l’École passa aux mains de l’État, tout en y assurant dès 1831 sa tâche de professeur. Il fut aussi l’un des créateurs de l’Association Polytechique, école dont il fut l’élève et à laquelle il consacra tous ses soins et jusqu’à sa fortune.
Mais c’est surtout en tant que l’un des plus grands promoteurs des chemins de fer en France que son nom est resté célèbre. C’est lui qui fut chargé, entre autres, du tracé de la ligne Paris-Strasbourg. Une partie des écrits publiés à l’époque sur ce sujet lui sont dus. Aimé de tous et en particulier des jeunes qu’il a toujours soutenus et secourus, sa parole était animée par le patriotisme et la charité. Ses funérailles virent affluer ses collègues de la science, de l’art et du travail : savants illustres, ingénieurs renommés, chefs de la grande industrie, aux côtés de ses élèves des écoles Centrale et Polytechnique.
Une rue de Paris porte son nom de même que plusieurs lycées techniques.

 

CONRAD KERN

Monsieur Conrad Kern fut Ministre de Suisse à Paris . Il s’intéressa de très près à l’oeuvre de la SHB et surtout joua un rôle important en 1838, lors du démêlé de la Suisse avec la France au sujet du prince Louis-Napoléon-Bonaparte. En 1848 il prit part à l’élaboration de la nouvelle Constitution fédérale ; en 1854, il contribua à la fondation de l’Ecole Polytechnique de Zurich et donna un précieux concours à la création des chemins de fer suisses. En poste à Paris de 1857 à 1883, il y développa un remarquable esprit de patriotisme, et fit preuve d’une grande énergie pendant les néfastes années 1870-1871.

 

 EDOUARD-MARCEL SANDOZ (1881-1871)
Portrait fait en 1971 par Monsieur l’Ambassadeur Pierre Dupond 

« Notre communauté a perdu en Edouard-Marcel Sandoz l’une de ses plus éminentes personnalités. Il l’a honorée par ses œuvres de sculpteur et de peintre. Artiste probe et exigeant, il a témoigné, tout au long d’une existence exceptionnelle bien remplie, des plus grandes qualités de cœur. Vos deux sociétés (la SHB et la Maison Suisse de Retraite) ont reçu maintes fois le témoignage de son extrême générosité. Son nom restera attaché à toutes les réalisations de notre communauté. Donnant le meilleur de lui-même, tant à son pays d’origine qu’à son beau pays d’accueil, il a apporté son soutien à toutes les idées généreuses et œuvré pour le rayonnement de notre pays et de l’amitié franco-suisse. Son souvenir restera gravé dans le cœur de tous ceux qui ont eu le privilège de l’approcher. »

Monsieur Sandoz était membre de l’Académie des Beaux-Arts et de l’Institut de France. On lui doit la création de l’Œuvre des Enfants d’Artistes et il participa à la création de la Cité des Arts de Paris.
Sa devise était : «  En art il faut tout aimer, la nature, la science, son prochain ».

Son frère Aurèle Sandoz participa financièrement à la réfection du bâtiment qui allait devenir la Maison Suisse de retraite d’Issy-les -Moulineaux, lors de son achat par la SHB.

 

 FERNAND  LANDOLT

Portrait fait à son décès en 1941

Membre honoraire de la SHB, il fut médecin de notre Société pendant 34 ans. Tous ceux qui ont eu le bonheur d’approcher ce Français savent combien il était attaché à la Suisse son pays d’origine. Soldat et grand blessé de la guerre de 1914, il s’était consacré depuis de nombreuses années à réunir une collection unique de tableaux, de gravures, d’uniformes, d’armes et de souvenirs les plus divers, témoins émouvants du sang versé par les soldats suisses pendant de longs siècles sur la terre de France.

En qualité de médecin de notre société, il succéda à son père, l’éminent oculiste. À son tour, il a trouvé un sympathique successeur en la personne de son neveu, le jeune Docteur Landolt-Sandoz, père depuis peu de semaines d’un fils magnifique qui ne manquera pas, n’en doutons point, de continuer un jour cette belle tradition de famille : être le médecin de la SHB, pour le plus grand bien des générations futures.

 

JACQUES LANDOLT

Jacques Landolt a été élu membre du Conseil d’Administration de la SHB en 1963 et il en a assuré la présidence de 1966 à 1991, date à laquelle il démissionna pour cause de maladie.
Lors de sa démission, Monsieur Bossard rappelle que « depuis trente ans Le Dr Landolt a toujours œuvré pour le bien de la SHB, veillé avec attention et intelligence pour son bien et suivi avec intérêt les petits et grands faits survenus au cours de toutes ces années.
Mais aujourd’hui, nous voudrions adresser au président Landolt toute notre gratitude et notre profonde reconnaissance pour son action bénéfique en faveur de notre institution tout en lui présentant nos chaleureux vœux de meilleure santé pour un repos bien mérité »

C’est à son initiative que la SHB a pu organiser en 1970 la fête du 150e anniversaire de sa fondation, soirée de gala à laquelle les plus hautes personnalités ont assisté, dont M. le Conseiller fédéral Pierre Graber, chef du Département politique.
M. se Weck qui lui succéda parle de lui en ces termes :
« Je souhaite que nous pensions tous à ceux qui nous ont quittés et à la tristesse que nous ressentons en pensant au docteur Landolt qui était avec nous l’an passé et que nous avions pu remercier de vive voix.

C’est avec beaucoup d’émotion que j’évoque sa façon de travailler, sa gentillesse, son don de soi, sa notion de solidarité élevée « à la bienfaisance » et cette élégance dans le suivi des affaires de la SHB qu’il faisait avec générosité et discrétion. »